Rétrospective annuelle
Jalonnée d’étapes importantes pour l’avenir de la numérisation de notre profession, 2023 a été marquée par les évolutions dans des domaines tels que la télémédecine, l’ordonnance électronique, le dossier électronique du patient et la nouvelle loi sur la protection des données, autant de sujets qui ont largement sollicité la FMH cette année.
C’est à nouveau la période de l’année où nous remarquons avec joie et effroi que le monde numérique nous rattrape plus vite que notre espresso du matin peut combattre le manque de sommeil. Les développements de l’intelligence artificielle (IA) générative nous ont appris à quel point les technologies numériques pouvaient se répandre comme une traînée de poudre dans notre société. Si pour l’instant, il n’est encore question que de «hype», de telles technologies devraient rapidement s’imposer à notre environnement médical [1]. Il est donc primordial pour le corps médical de se positionner suffisamment tôt et d’identifier leurs possibilités, mais aussi leurs limites. Dans ce contexte, la FMH a publié des exigences en vue de l’utilisation des nouvelles technologies en médecine [2].
La FMH a franchi une étape importante dans le sens de l’évolution de la télémédecine et inscrit les téléconsultations dans le Code de déontologie.
La télémédecine est un autre exemple de plus en plus concret de l’évolution de notre pratique. Cela fait longtemps que les téléconsultations ont investi le terrain, mais entre-temps elles ne sont plus les seules. Les modèles de soins comme hospital at home s’appuient désormais aussi sur l’utilisation de capteurs intelligents qui, raccordés au réseau, envoient de manière automatique des informations relatives à l’état des patients [3]. Les technologies numériques se chargent donc désormais de tâches essentielles exercées jusqu’ici par les médecins ou le personnel infirmier. Une avancée qui nous invite instamment à réfléchir aux systèmes sociotechniques, mais aussi à tenir compte des exigences réglementaires, dont les multiples lois des différents cantons relatives à l’autorisation de pratique.
Modification du Code de déontologie
Cette année, la FMH a franchi une étape importante dans le sens de l’évolution de la télémédecine et inscrit sa pratique dans le Code de déontologie. Cette modification donne au corps médical la possibilité de décider si les technologies de l’information et de la communication se prêtent à un avis médical ou à un traitement ou si une consultation sur place, au cabinet, est préférable. Après l’adoption en juin 2023 de la modification du Code de déontologie par la Chambre médicale, la FMH planche actuellement sur des recommandations destinées avant tout aux médecins qui souhaitent proposer des services de télémédecine dans leur cabinet. Ces recommandations portent notamment sur les champs d’application, les bases légales en vigueur, les réflexions autour de la sécurité et la protection des données, les compétences nécessaires pour le personnel de santé médical et non médical et la rémunération tarifaire.
E-Ordonnance
L’ordonnance électronique est un sujet jumelé à celui de la télémédecine. La FMH s’engage en collaboration avec pharmaSuisse pour une solution pouvant être utilisée dans toute la Suisse dans le respect des dispositions légales. Les principaux atouts de l’E-Ordonnance sont de pouvoir être scannée et lue dans toutes les pharmacies et de protéger contre les falsifications et les abus [4].
Loi révisée sur la protection des données (LPD)
La nouvelle loi sur la protection des données (LPD), entrée en vigueur le 1er septembre 2023, a suscité des remous chez nombre de mes collègues. Pourtant, la révision de la loi était nécessaire pour s’adapter aux évolutions technologiques. Cela fait 20 ans que la première mouture de la loi sur la protection des données a vu le jour. À l’époque, les cartes de vœux étaient encore écrites à la main, et les dossiers médicaux conservés soigneusement sur papier, ou alors déjà enregistrés dans un ordinateur allumé le matin et éteint le soir.
On ne se posait pas encore la question de la saisie électronique de données de patients et de leur droit à les consulter. Un sujet qui n’éveillait pas plus l’attention que la transparence lors du traitement des données. Mais tout a brusquement changé à l’ère de l’informatique en nuage (cloud computing). En amont de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, la FMH a rédigé et publié des documents d’aide tels que des guides et des modèles types [5]. Ces derniers mois, nous avons répondu à d’innombrables questions que les médecins nous ont posées à ce sujet par courriel ou par téléphone. De facto, les principes du traitement des données (pour que celui-ci soit conforme à la loi) n’ont pas changé depuis le 1er septembre dernier. Pourtant, les nouveautés ont créé un sentiment d’insécurité au sein du corps médical. Cela nous incite à améliorer continuellement les documents que nous mettons à disposition et à publier dans le Bulletin des médecins suisses des articles traitant des questions importantes en lien avec la pratique juridique en cours.
Révision de la LDEP
Même si pour beaucoup, le dossier électronique du patient (DEP) est un concept encore très lointain, la révision complète de la loi sur le dossier électronique du patient (LDEP) pose dès à présent les jalons de son introduction dans toute la Suisse et du changement qu’il engendrera d’ici quelques années dans notre quotidien professionnel [6]. De par sa portée, la révision nous a tenus en haleine une bonne partie de l’année. Le financement transitoire qui entrera en vigueur dès 2024, mais aussi l’obligation de tous les professionnels de santé soumis à l’AOS d’adhérer au DEP avec en particulier et évidemment les conditions-cadres que cela implique et, enfin, la définition des formats d’échange des contenus et des données du DEP sont autant de sujets qui nous ont fortement sollicités.
Cette année, entre la première et la deuxième partie de la révision, l’Office fédéral de la santé publique a lancé une campagne nationale de sensibilisation pour accompagner l’introduction du DEP dans le but de le promouvoir, le faire connaître auprès des professionnels de santé et de la population et positiver leurs attentes et leur attitude à son égard. Programmée de 2023 à 2025, la campagne a débuté en juin dernier pour le groupe cible des professionnels de santé. Elle sera étendue à la population à partir de 2024.
La nouvelle loi sur la protection des données (LPD), entrée en vigueur le 1er septembre 2023, a suscité des remous chez nombre de mes collègues.
La FMH se concentre principalement sur le développement de ce que doit contenir le DEP [7]. Elle continuera de se positionner et de participer activement à son élaboration. Pour ce faire, elle peut compter sur la Communauté de travail interprofessionnelle eHealth. Forte de dix organisations affiliées, le GTIP représente plus de 100 000 fournisseurs de prestations du secteur de la santé [8]. Elle veille et s’investit pour que l’échange interprofessionnel d’informations soit efficace et porteur de bénéfices.
Avec les autres actionnaires d’AD Swiss SA, la FMH développe également des prestations numériques visant à améliorer les processus pendant le traitement, au profit de la sécurité des patients et de la qualité. Avec la création de la communauté DEP AD Swiss, elle permet par ailleurs aux professionnels de santé et aux institutions, que leur participation au DEP soit volontaire ou imposée, d’y adhérer de manière simple et économique.
Un profil professionnel en mutation
Au vu des progrès technologiques, la question se pose avec instance de l’évolution du rôle des médecins à l’ère de la numérisation. Un premier impact est déjà largement perceptible à l’image de l’évolution impressionnante suscitée par l’intelligence artificielle. Comme il semble irréaliste que des machines intelligentes remplacent entièrement l’humain dans les activités médicales, il s’agit de se demander quelles tâches du quotidien médical pourraient être confiées à des systèmes d’IA et quelles en seraient les conséquences sur notre profil professionnel.
La FMH se concentre sur ce que doit contenir le DEP et continuera de se positionner et participer activement à son élaboration.
Aujourd’hui déjà confrontés à l’information et au savoir générés par les systèmes d’intelligence artificielle, les médecins, et plus encore les prochaines générations de médecins, devront être en mesure de porter un regard critique sur ces informations et de comprendre, du moins en partie, les méthodes de calcul sur lesquelles elles reposent. La manière d’acquérir les compétences nécessaires pour y répondre a été au cœur de notre projet Digital Skills, que nous poursuivrons au-delà de l’année en cours.
1 Gutmann R, Rippstein J. «Le nouvel employé». Bull Med Suisses. 2023;104(33):12-15
2 Sojer R, Pfeiffer V. L’intelligence artificielle en médecine: les exigences de la FMH. Bull Med Suisses. 2022;103(38):30-35
3 Denecke K, May R, Borycki EM, Kushniruk AW. Digital health as an enabler for hospital@home: A rising trend or just a vision? Front Public Health. 2023 Feb 17;11:1137798.
4 Zimmer A, Schaefer U. Ordonnance numérique: un projet de la FMH et pharmaSuisse. Bull Med Suisses. 2022;103(48):34-35
5 Baeriswyl B, Sojer R. LPD: des changements pour les cabinets médicaux Bull Med Suisses. 2022;103(5152):32-33
6 Zimmer A. Le DEP 2.0 - ce qu’il contient et ce qu’il devrait contenir. Bull Med Suisses. 2023;104(34):20-21
7 Zimmer A. Mauvais timing pour la campagne de sensibilisation. Bull Med Suisses. 2023;104(22):26-27
8 Zimmer A. GTIP eHealth: regroupement de 100 000 fournisseurs de prestations. Bull Med Suisses. 2022;103(05):131.
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