Pétition Un changement culturel dans l’utilisation des données s’avère indispensable. Il permettrait d’éviter des évolutions délétères prévisibles pour la société. Une nouvelle approche s’impose également d’urgence dans le domaine de la santé. La pétition de la Société Médicale du Valais plaide pour un tel changement de culture afin d’assurer des soins médicaux de qualité pour tous.
L’effondrement de Credit Suisse, la pénurie de médecins préoccupante en Suisse avec une forte dépendance de l’étranger, l’aggravation de la crise climatique mondiale… tous ces problèmes étaient prévisibles depuis de nombreuses années. Les informations de fond nécessaires étaient disponibles et les médias en ont régulièrement parlé. D’un point de vue technique, nous maîtrisons plus ou moins les compétences telles que la lecture et l’écoute. D’un point de vue statistique, l’évaluation d’une probabilité haute pour une évolution négative des sujets cités ne nécessite pas des calculs compliqués.
Par contre, il semble évident qu’il faut plus qu’«uniquement» des informations de fond, des compétences statistiques et techniques pour pouvoir en déduire des pronostics adéquats et compréhensibles qui permettraient de prendre des mesures adaptées au bon moment pour éviter des évolutions sociétales délétères graves. La capacité d’intégrer les informations de façon pertinente peut être désignée comme «data literacy» – littératie des données – selon UN Data Revolution [1]. En résumé, la «data literacy» englobe les compétences qui consistent à collecter, gérer, évaluer et appliquer les données d’une façon critique tout en respectant l’éthique et la protection des données dans une culture d’apprentissage continuel tout au long de la vie. De même, elle englobe une culture de feed-back interprofessionnel continu entre les fournisseurs de données («producteurs de données») et les utilisateurs des données («consommateurs de données»). La littératie des données implique que tous ces éléments soient inextricablement liés.
Des solutions qui vont droit au but
Un tel changement de culture, soutenu par la société, les assurances et la politique, permettrait de trouver et de mettre en œuvre des solutions communes nouvelles et ciblées pour de nombreux problèmes actuels apparemment insolubles. Nous pourrions prendre nos distances par rapport à des opinions figées qui reposent malheureusement souvent sur des données mal collectées et mal interprétées. Nous comprendrions ensemble pourquoi les coûts de la santé augmentent réellement et où nous pourrions mettre en place des mesures de prévention et de correction judicieuses à cet égard. Nous comprendrions l’influence des pertes boursières des caisses-maladie sur nos primes d’assurance-maladie. Nous pourrions nous rendre compte qu’une part constante des frais administratifs des assureurs signifie, en cas de hausse des coûts, une augmentation des coûts massive et difficilement justifiable.
À l’inverse, nous prendrions conscience qu’une augmentation de 10% des coûts de la physiothérapie est tout à fait adéquate. Elle correspond à un besoin accru de la population (en partie dû au déconditionnement de nombreux seniors en raison des mesures COVID) et ne justifie certainement pas une réduction des tarifs de physiothérapie. Malheureusement, de telles mesures de contrainte et de contrôle arbitraires, difficilement compréhensibles d’un point de vue logique se multiplient et imposent des limitations toujours plus grandes aux fournisseurs de prestations du système de santé:
limitation des autorisations de pratiquer la médecine, malgré la pénurie avérée de médecins et le vieillissement du corps médical, les besoins croissants de la population et le souhait légitime des jeunes médecins de jouir d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée comparable à celui dans d’autres secteurs;
l’augmentation des contraintes et tracasseries administratives pour tous les prestataires de soins dans le secteur de la santé, alors qu’il reste déjà trop peu de temps pour s’occuper des patientes et des patients;
l’absence d’adaptation des tarifs malgré le renchérissement connu, les coûts de numérisation et l’augmentation des frais de personnel.
Blocage des adaptations tarifaires
Diverses décisions et évolutions politiques, tarifaires et sociales de ces dernières années ont conduit à une mise en danger de la prise en charge médicale, pas seulement dans le canton du Valais. Malgré les appels, les mises en garde et les propositions répétées du corps médical, aucun changement de cap notable n’a été entrepris jusqu’à présent. Au contraire: en Valais, les caisses-maladie valaisannes et suisses continuent de bloquer les adaptations tarifaires indispensables et urgentes. Pire encore: aucune caisse-maladie n’a voulu participer à la campagne de prévention «Unis pour la santé – data literacy» de la Société Médicale du Valais [2]. Celle-ci aurait pu éviter au moins 50% des maladies infectieuses et des arrêts de travail y relatifs, ainsi que les coûts et les souffrances qui en découlent. Au lieu de cela, l’augmentation des coûts de l’assurance-maladie qui n’a pas été évitée est habilement combinée à des pertes en bourse virtuelles pour exiger des augmentations de primes qui pèsent lourd sur de nombreux assurés.
C’est ainsi que l’on fait habilement pression et que l’on espère empêcher les adaptations tarifaires urgentes et nécessaires des tarifs ambulatoires qui ne sont plus à jour, malgré des données et des faits évidents et cohérents présentés. Malheureusement, une sous-couverture médicale en soins de base ambulatoires induite en partie par une tarification insuffisante, comme c’est le cas en Valais pour les deux tiers des spécialités, entraîne paradoxalement une augmentation de la spirale des coûts, avec une hausse des coûts hospitaliers et des urgences bondées.
Au lieu d’accepter la proposition d’amorcer un changement de culture partenarial fondamental, avec des corrections de cap urgentes, les assureurs campent sur leurs positions et empêchent ainsi la réalisation de projets communs pour le bien des patientes et des patients qui permettraient une stabilisation durable des coûts de la santé grâce à des soins médicaux et une prévention de qualité adéquats.
Culture de littératie des données
Il reste à espérer que la politique aux niveaux cantonal et national rectifiera le tir dans notre système sanitaire pour permettre un changement culturel d’une politique des coûts de la santé à court terme vers une politique de santé durable et financièrement supportable pour tous. Une nouvelle culture commune de littératie des données en constitue la base. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons maîtriser les coûts de la santé de manière judicieuse et durable, dans un esprit de partenariat, sans priver les prestataires d’une rémunération adéquate. Déjà plus de 13 500 personnes en Valais et à l’extérieur du canton ont compris l’importance d’un tel changement de culture et ont signé la pétition y relative [3]. Celle-ci demande des soins de santé de qualité pour tous, dans le respect mutuel et la collaboration interprofessionnelle, basée sur une compétence commune en littératie des données, qui doit être améliorée de toute urgence.
Nous vous remercions vivement de contribuer, vous aussi, à ce changement de culture par votre signature, afin que nous puissions éviter ensemble un effondrement de notre système de santé!
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