Télémédecine: adaptation du Code de déontologie de la FMH

Télémédecine: adaptation du Code de déontologie de la FMH

Analyse de la semaine
Édition
2023/37
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.22135
Bull Med Suisses. 2023;104(37):30-31

Publié le 13.09.2023

Téléconsultations En vertu de la décision prise en juin dernier par la Chambre médicale, le Code de déontologie a été adapté sous l’angle de la télémédecine. Désormais, ce sont les médecins qui décident si un traitement par télémédecine est possible ou si une consultation sur place est nécessaire.
Selon un rapport du Comité permanent des médecins européens (CPME), le recours à la télémédecine dans les États membres a été accéléré par la pandémie de COVID-19. Rapidement devenue un élément quotidien de la pratique médicale, la télémédecine a le potentiel d’être un instrument supplémentaire très utile dans un certain nombre de scénarios cliniques, mais elle n’est pas sans risque et ne convient pas à toutes les situations [1].
Alexander Zimmer
Dr méd., membre du Comité central et responsable du département Numérisation/eHealth
En Suisse aussi, le remarquable essor des téléconsultations et des consiliums à distance a hissé la télémédecine au rang d’élément essentiel de la prise en charge médicale moderne. Il est loin le temps où le cercle des utilisateurs de la télémédecine se limitait aux centres de téléconsultation ou aux centrales téléphoniques des urgences médicales. Aujourd’hui, les cabinets médicaux, aussi bien en médecine de famille que dans les autres disciplines spécialisées, sont de plus en plus nombreux à proposer des consultations à distance.
Doctor talking on cell phone and making notes
Les consultations de télémédecine sont de plus en plus fréquentes dans les cabinets médicaux suisses.
© Ammentorp / Dreamstime
En revanche, il ne faut pas sous-estimer l’utilisation des applications de télémédecine, qui s’avère très exigeante en raison de la complexité et des multiples facettes de chaque discipline [2]. Pour ce faire, il est indispensable de tenir compte de plusieurs aspects techniques, organisationnels et juridiques mais aussi de la définition de la télémédecine.
En 2016, l’OMS l’a définie comme la fourniture de services de santé à distance, de quelque nature qu’ils soient, avec l’appui des technologies de l’information et de la communication. Cette définition inclut non seulement les prestations aux patients, mais aussi la recherche et la formation postgraduée [3]. Au niveau national, la Société suisse de télémédecine & eHealth (SSTMeH) a proposé une autre approche en définissant la télémédecine comme une interaction patient-médecin ou médecin-médecin sans contact physique [4].
L’absence de définition uniforme donne lieu à de multiples interprétations et à des applications les plus diverses. Ainsi, la télémédecine peut être utilisée de manière très différente par exemple pour surmonter les distances dans les régions rurales, pour les patients à mobilité réduite qui ne peuvent pas se déplacer jusqu’au cabinet, pour le suivi des maladies chroniques et pour la prévention dans le sens d’une autosurveillance par les patients.
Si la télémédecine ne constitue pas une nouvelle spécialité à proprement parler, il n’en reste pas moins que les multiples possibilités d’application doivent être spécifiées, et avec elles les différentes mesures organisationnelles et techniques qui en découlent et impactent les processus. Cela soulève différentes questions: quelles conditions doivent être réunies pour pratiquer la télémédecine? Quelles sont les compétences minimales à acquérir ou à approfondir? Comment compenser l’absence d’examen physique? Quelles mesures techniques et organisationnelles prendre afin de continuer à respecter la protection des données? Comment former le personnel de mon cabinet?
La mise en place de tout ce qui est nécessaire à la télémédecine exempt nullement des principes inhérents à notre profession: secret médical, devoir de diligence et obligation de documenter. Le recours à des consultations et/ou à des traitements à distance peut cependant exiger une extension ou une adaptation de ces principes en fonction du champ d’application de la télémédecine et des possibilités techniques à disposition.
À cela s’ajoute que le TARMED n’est pas du tout adapté et n’offre que des possibilités limitées de facturer les consultations et les traitements de télémédecine. La seule position tarifaire actuellement disponible est la position «Consultation téléphonique par le spécialiste» (positions tarifaires 00.0110 et suivantes). Dans le domaine de la psychiatrie, les médecins peuvent recourir aux positions tarifaires spécifiques «Consultation téléphonique par le spécialiste en psychiatrie» (02.0060, 02.0065 et 02.0066), limitées à 20 minutes pour les personnes de 6 à 75 ans, et à 40 minutes pour les enfants de moins de 6 ans, les personnes de plus de 75 ans et les personnes entre 6 et 75 ans nécessitant plus de soins. Au moins, les appels téléphoniques en situation de crise qui de facto durent plus longtemps peuvent être facturés avec la position 02.0080 («Intervention de crise psychiatrique»), qui n’est pas limitée dans le temps.
Pendant la pandémie de COVID-19, ces positions tarifaires ont pu être utilisées par les médecins spécialistes en psychiatrie et psychothérapie et en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents pour tout contact simultané à distance (p. ex. visioconférence) [5]. Cette autorisation temporaire a contribué de manière décisive au maintien des soins psychiatriques et psychothérapeutiques pendant la période de pandémie. Malheureusement, ces conditions de facturation avant-gardistes sont arrivées à échéance le 1er juillet 2021.
Le tarif TARDOC permettrait une facturation adaptée des prestations de télémédecine. Avec la position EA.00.0070 – Diagnostic et/ou traitement télémédical simultané par le médecin spécialiste, setting individuel [6], une consultation à distance pourrait être facturée de la même manière qu'une consultation psychiatrique sur place.
Par décision du 8 juin 2023, la Chambre médicale de la FMH a répondu à l’évolution de la téléconsultation médicale et inscrit la possibilité de pratiquer la télémédecine dans le Code de déontologie [7]. La proposition, élaborée pour la Chambre médicale par un groupe de travail de la FMH, donne aux médecins la possibilité de décider si les technologies de l’information et de la communication suffisent pour une consultation ou un traitement ou si la personne doit venir sur place. Il est bien sûr primordial que la diligence médicale puisse être garantie mais aussi que l’obligation d’informer et de documenter soit respectée.
Ces nouvelles adaptations du Code de déontologie peuvent être consultées sur le site internet de la FMH. Les modifications adoptées vont certainement être suivies par des adaptations des lois cantonales sur la santé. C’est pourquoi la FMH vous recommande de vous adresser à la direction de la santé de votre canton pour toute question relative à la mise en œuvre concrète dans votre cabinet.
Au vu de certains aspects de la télémédecine qui la distinguent d’une consultation médicale sur place, la FMH fournira à ses membres des documents d’aide.
Réussir l’intégration de la télémédecine en Suisse demande des efforts coordonnés et une collaboration interdisciplinaire entre les professions de la santé, les autorités sanitaires et les experts en technologie. Nous devons relever les défis qui se présentent et veiller à ce que la télémédecine puisse déployer son potentiel. Pour ce faire, il est indispensable, entre autres choses, de mettre en place des possibilités de facturation, des règles et des définitions claires. Enfin, la pratique de la télémédecine devrait être abordée lors de la formation prégraduée, postgraduée et continue des médecins.
L’adaptation du Code de déontologie de la FMH a scellé une étape importante vers l’intégration et le déploiement de la télémédecine en Suisse. Mais ces évolutions ne s’arrêteront pas là. La FMH les suit et reste en contact avec ses membres pour leur en référer.
1 Comité permanent des médecins européens. CPME Policy on Telemedicine. 2018.
2 Duftschmid G, Binder M, Wrba T, Dorda W, Pehamberger H. Richtlinien zur Planung und Realisierung telemedizinischer Anwendungen [Guidelines for the planning and implementation of telemedical applications]. Wien Klin Wochenschr. 2005 Oct;117(19-20):673-83.
3 WHO. Global diffusion of eHealth: making universal health coverage achievable. Report of the third global survey on eHealth. 2016.
4 Denz M. Telemedizin in der Schweiz. Therapeutische Umschau. 2015 Sept;72(9):581-585
5 OFSP. Fiche d’information. Prise en charge des coûts des prestations ambulatoires à distance dans le cadre de la pandémie de COVID-19. 2020.
6 TARDOC navigateur en ligne (tartools.ch)
7 Bull Med Suisses. 2023;104(36):XX-YY.

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