Qualité et baisse des coûts grâce aux réseaux de médecins

Organisations
Édition
2023/2728
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21796
Bull Med Suisses. 2023;104(2728):36-38

Affiliations
a Directeur du fmc, membre du Conseil d’administration de medswiss.net jusqu’en 2020; b Dr méd., membre du Conseil d’administration de medswiss.net, responsable du département Radar qualité; c Dr méd., membre du Conseil d’administration de medswiss.net

Publié le 05.07.2023

Politique de santé La Suisse entend améliorer la qualité de ses soins médicaux. Parallèlement, elle met en œuvre des mesures politiques de maîtrise des coûts. Les prestataires et assureurs-maladie proposent des solutions alternatives probantes pour faire d’une pierre deux coups.
Coût et qualité. Tels sont les points clés des discussions récurrentes sur le système de santé suisse. La sphère politique réclame à cor et à cri l’amélioration de la qualité des soins. C’est surtout le manque de transparence dans ce domaine qui est pointé du doigt [1]. Pour endiguer la hausse des coûts, on a assisté à une véritable surenchère d’initiatives parlementaires et de propositions du Conseil fédéral, comme le 2e volet de mesures et la loi sur la qualité (article 58 révisé de la loi fédérale sur l’assurance-maladie LAMal), complétée actuellement par l’adoption du contre-projet indirect à l’initiative «Frein aux coûts» du Centre. Malheureusement, ces discussions font généralement peu de cas des nombreux efforts et des résultats impressionnants des prestataires de soins et des assureurs-maladie.
Les réseaux de médecins et les assureurs-maladie ont changé la donne ces dernières années grâce à leur collaboration partenariale et ils font la preuve de la formidable efficacité d’un partenariat contractuel performant et vivant. Depuis un quart de siècle maintenant, celui-ci assure la transparence et le développement continu de la qualité, ainsi que l’efficience démontrable de la prise en charge de la patientèle. Différents assureurs-maladie ont énormément investi dans l’évaluation des structures et processus de soins des réseaux de médecins, pour lesquels on dispose donc aujourd’hui de données solides. Dans son reporting annuel, la CSS recense par exemple quelque 300 indicateurs de structure et de qualité des réseaux de médecins et conclut que «le mouvement du managed care a été et reste une source importante de nouvelles approches de soins et d’efforts de qualité» [2].
Les réseaux de médecins prennent au sérieux les critiques et les doutes des milieux politiques et du grand public, et cela vaut la peine d’examiner en détail leurs prestations pour les évaluer. medswiss.net, l’association faîtière des réseaux de médecins suisses, a réalisé une enquête auprès de ses 51 membres sur les prestations classiques de qualité; 27 et 28 d’entre eux y ont respectivement participé en 2020 et 2021 [3]. Elle a en outre analysé la documentation sur les données médicales et économiques des réseaux. Ses principales conclusions sont présentées ci-après.
Les structures mises en place au cours des 25 dernières années ont permis d’améliorer la qualité des soins tout en réduisant les coûts.
© Susan Q Yin / Unsplash

Cercles de qualité

Les cercles de qualité (CQ) sont destinés à la formation continue des participantes et participants. Leur intérêt principal réside dans l’examen critique de l’activité personnelle et dans un processus d’apprentissage basé sur l’expérience de l’assistance, idéalement suivant un cycle «Plan-Do-Check-Act» (Planifier-Déployer-Contrôler-Agir, PDCA). Ces cercles sont d’une part formés par les médecins du réseau entre eux et d’autre part élargis à des spécialistes externes. Ils représentent un élément central des structures de réseau. Les 27 et 28 membres de medswiss.net participants en ont organisé régulièrement pour les médecins; respectivement 22 et 20 en ont aussi tenu pour les assistantes et assistants médicaux. En moyenne, chaque réseau de médecins a proposé respectivement 11 et 9 fois par an des CQ de près de 2 heures sur 5 sites. Cela correspond à une offre totale de 3249 et 2715 heures de formation postgraduée pour les médecins et assistantes et assistants médicaux constitués en réseaux de médecins. Un médecin de réseau a en moyenne suivi respectivement 15 et 11 heures de cercles de qualité au cours de l’année (tableau 1).
Tableau 1: Structures des cercles de qualité dans les réseaux de médecins
 20192020
 n: 27 n: 28
Médecins Moyenne Médiane
Nombre de sites de CQ dans le réseau 5,35,2
Nombre moyen de participants 11,513,9
Réunions des cercles de qualité par an 11,19,0
Durée des réunions (en heures)1,71,6
Participation moyenne par an8,76,6
Heures de CQ proposées 27352314
Heures de CQ suivies au total22 38822 142
Assistantes et assistants médicaux n: 22n: 20
Nombre de sites de CQ dans le réseau 3,23,6
Nombre de moyen de participants 14,314,5
Réunions des cercles de qualité par an 4,93,6
Durée des réunions (en heures)1,51,5
Heures de CQ proposées 514401
Heures de CQ suivies au total23941535

Lignes directrices thérapeutiques

Les lignes directrices thérapeutiques aident les médecins à prendre des décisions et à planifier les traitements. De multiples études ont prouvé leur effet positif sur les processus, les résultats et la qualité des soins. Dans les réseaux de médecins, travailler avec de telles lignes directrices constitue l’une des mesures de qualité fondamentales: respectivement 22 et 20 avaient mis en place des structures correspondantes. Au sein de 13 et 12 réseaux respectivement, les cercles de qualité ont présenté des lignes directrices tant externes qu’internes, en ont discuté et les ont adaptées aux spécificités régionales. Dans 7 réseaux, seules les lignes directrices externes ont été discutées, tandis que respectivement 2 et 1 n’ont traité que celles élaborées en interne.
La publication des guidelines permet non seulement de multiplier l’usage des outils mis au point, mais favorise surtout la transparence. On peut citer à titre d’exemples positifs les réseaux de médecins mednetbern [4] et mediX [5].

Chronic care management

La gestion des maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension ou l’asthme constitue l’un des grands défis de la prise en charge médicale. Elle doit être structurée pour assurer un traitement et un suivi optimaux de la patientèle. Elle définit les mesures de soins à appliquer, à quel moment et par qui. Cela permet une prise en charge sans faille et ordonnée.
Selon l’enquête de medswiss.net, respectivement 23 des 27 et 16 des 28 réseaux de médecins pratiquaient entre-temps un chronic care management structuré, qui incluait chez tous une offre pour les patients diabétiques. Trois réseaux proposaient en sus un programme pour la patientèle atteinte de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et pour celle souffrant de maladies cardiaques. 14 des 23 et 12 des 16 réseaux ont renseigné le nombre de patientes et de patients pris en charge de manière structurée et en ont respectivement déclaré plus de 6000 et plus de 7500.
Cette évolution positive se poursuivra à l’avenir, entre autres avec l’aide d’applications numériques. Parmi les plus utiles, on peut citer le suivi assisté par logiciel de la patientèle diabétique d’Argomed [7] ou l’outil de saisie des données BlueCCM [8] intégré au logiciel de managed care BlueEvidence.
L’enquête confirme avec force les conclusions du reporting de la CSS. Les réseaux de médecins sont une source importante de nouvelles approches de soins et d’efforts de qualité. L’implication personnelle des responsables médicaux et des animatrices et animateurs des CQ incite les membres à améliorer en permanence la qualité des soins.

Effets positifs

Ces efforts améliorent la prise en charge et réduisent de manière probante les coûts [9]. Voici quelques preuves médicales du souci de qualité des réseaux de médecins:
Les patientes et patients qui relèvent d’un modèle d’assurance de managed care se voient prescrire moins d’antidépresseurs, entre autres parce que leur médecin de famille et leur psychiatre coordonnent le traitement.
Leur observance thérapeutique en matière d’hypolipémiants (LDL) et d’inhibiteurs de l’ECA après un infarctus du myocarde est significativement supérieure.
La probabilité qu’elles et ils se voient prescrire une médication inadéquate ou des benzodiazépines à répétition est moins élevée.
Les assurées et assurés d’un modèle de managed care bénéficient plus souvent d’un test non invasif d’ischémie cardiaque recommandé médicalement avant une angiographie coronarienne.
Les patientes et patients diabétiques ou atteints de maladies cardiovasculaires d’un modèle de soins intégrés sont nettement moins souvent hospitalisés en lien avec leur diagnostic.
En appliquant une méthodologie mathématique, on peut par ailleurs calculer que la gestion efficace et de haute qualité des soins dans les réseaux de médecins permet des économies de 10 à 40%. Le vaste corpus de données désormais disponible atteste aussi de la durabilité de ces économies. Lukas Kauer [9] a pu démontrer que les coûts de traitement des patients des réseaux de médecins demeurent plus faibles sur une période de 10 ans et en conclut que «la hausse constante des coûts de ces dernières années aurait été beaucoup plus forte sans le managed care. Il ne fait donc aucun doute que celui-ci est une composante clé de mesures efficaces visant à freiner les coûts».

Nécessité de mesures supplémentaires

Le contexte difficile de la pandémie a prouvé que le développement et la performance des réseaux de médecins en Suisse sont remarquables. Ces 25 dernières années ont vu la mise sur pied partenariale de structures qui améliorent la qualité des soins et réduisent les coûts de manière probante. Il convient de les promouvoir plutôt que d’appliquer de manière irréfléchie les conseils d’expertes et d’experts d’autres systèmes de santé [10].
L’une des principales tâches politiques pour favoriser la qualité et diminuer les coûts est d’introduire le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS). Il permettra de répercuter les économies réalisées sur les hospitalisations à 100% sur les assurées et assurés, ce qui augmentera l’attractivité des soins intégrés et des réseaux de médecins, favorisant leur essor. Ce modèle séduira encore plus de payeuses et de payeurs de primes. Avec cette seule action, les réseaux obtiendront plus de résultats en termes de hausse de la qualité et de baisse des coûts, donc de bénéfices pour la patientèle, que les contrats de qualité qui seront mis en œuvre d’ici peu ou les mesures actuellement en discussion du 2e volet.

medswiss.net

medswiss.net est l’association faîtière des réseaux de médecins suisses. Dans le cadre des soins intégrés, elle défend les intérêts politiques de ses membres et des médecins qui leur sont affiliés. Elle représente quelque 3500 médecins de premier recours. medswiss.net s’efforce de mettre en place, à l’échelle nationale, des conditions politiques et économiques optimales, qui permettent aux réseaux de pratiquer une médecine de famille coordonnée de haute qualité. Elle met systématiquement l’accent sur la santé et sur la satisfaction de la patientèle. Plus d’informations sur www.medswissnet.ch
peter.ritzmann[at]hin.ch
1 Communiqué de presse à l’occasion de la publication du rapport national sur la qualité et la sécurité des patients dans le système de santé suisse https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/das-bag/aktuell/news/news-08-11-2019.html, consulté le 31.10.2021
3 Les résultats 2020 recueillis en 2021 doivent être évalués en tenant compte de la pandémie de coronavirus. Les restrictions de contact et l’interdiction des rassemblements ont entravé les efforts de qualité et en particulier la tenue de CQ présentiels. Beaucoup de réunions de coordination et de CQ ont pu avoir lieu en ligne, mais d’autres n’ont pas pu être organisés en raison de la pandémie. À cela s’est ajoutée la charge particulière que celle-ci a fait peser sur le secteur de la santé en général.
10 La commission d’expertes et d’experts a principalement élaboré ses propositions en se basant sur les structures de soins en Allemagne et aux Pays-Bas. https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/versicherungen/krankenversicherung/kostendaempfung-kv.html