«A vrai dire, je me sens complètement seule et isolée.» Cette phrase ne sort pas de la bouche d’une patiente mais d’une étudiante. Ce printemps, lors d’un cours d’éthique en cercle restreint via zoom, j’avais demandé à mon auditoire comment il vivait l’enseignement à distance. Un silence consterné s’installa puis les langues se délièrent: «Je ne sors presque plus de chez moi, je suis assise 6 à 8 heures par jour devant mon écran: podcast, cours via zoom, plate-forme en ligne, je n’en peux plus», déclarait une étudiante, tandis que ses condisciples acquiesçaient d’un signe de tête par caméra interposée. Une seconde raconta: «J’ai dû consulter mon médecin, j’avais l’impression de devenir folle. Je ne voyais plus personne, je ne pouvais plus faire de sport, il n’y en avais plus que pour les études, et ce uniquement en ligne.» D’une certaine manière, ces aveux m’ont touché. Tout comme un très grand nombre de questions soulevées par la pandémie, sur des thèmes plutôt banals comme les personnes âgées en établissements médico-sociaux, les classes sociales inférieures privées d’accès aux soins, les opposants à la vaccination, les manifestations, le désenchantement politique, etc. La pandémie a agi sur ces questions comme un révélateur, leur conférant soudainement et de manière exponentielle une tournure dramatique d’un point de vue éthique – tout comme, du moins à mon avis, cette nouvelle solitude qu’ont connue mes étudiantes et étudiants. Une raison suffisante pour repenser l’enseignement dans les universités (il en va certainement de même pour la plupart des écoles, des hautes écoles spécialisées, etc.). Je souhaite pour cela me concentrer sur deux points qui sont les suivants: