Au-delà des soins aux patients

Cabinet malin
Édition
2024/16
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1374980177
Bull Med Suisses. 2024;105(16):

Publié le 17.04.2024

Carrière
Nombre de jeunes médecins sont dépités par la profession. Que pourraient-ils faire de leurs connaissances et compétences professionnelles? Quelle voie s’offre à eux quand la prise en charge des patients, l’essence même de la médecine, n’est plus à l’ordre du jour?
Les sondages de l’asmac et de la FMH menés auprès des jeunes médecins sont inquiétants: nombre d’entre eux songent à tourner le dos à la médecine. Cela n’est guère surprenant, la charge administrative croissante prenant le pas sur le temps consacré aux patientes et patients. La priorité absolue est donc donnée aux nouvelles approches qui réduisent la charge administrative. Est-ce qu’un dossier médical informatisé, simple et uniforme pour toute la Suisse, dont le fonctionnement serait enseigné pendant les études pour ensuite être utilisé dans tous les hôpitaux et cabinets médicaux, serait un pas dans la bonne direction? Pourrait-on automatiser davantage la documentation à l’aide de l’intelligence artificielle? Par ailleurs, les intéressés pourraient eux-mêmes réfléchir à la question de savoir si une discipline donnée implique plus ou moins d’administration.

Mettre à profit ses connaissances médicales

Dans un tout autre ordre d’idées, une personne peut décider de quitter la profession lorsqu’elle constate, au cours de stages universitaires ou plus tard dans la pratique professionnelle, qu’elle n’est pas très à l’aise au contact des patients. Cette situation peut faire naître des envies radicales de réorientation professionnelle. Toutefois, avant de se lancer dans un deuxième cursus ou dans une autre profession, il faut se demander si l’énorme investissement personnel et celui de la société dans les études de médecine ne pourraient pas être utilisés dans des tâches éloignées de la patientèle. En effet, dans certaines activités, les connaissances de la médecine et l’entraînement à la pensée médicale jouent un rôle central. Cependant, les entretiens menés par Coach my Career (www.vlss.ch/fr/) révèlent souvent le manque d’idées pour ces voies alternatives parmi les jeunes médecins. En 2016, la Harvard Business Review [1] a publié un article prometteur qui montrait comment les médecins pouvaient réussir leur carrière en dehors de la prise en charge des patients. Ce travail a démontré que les hôpitaux dirigés par des directeurs généraux médecins de profession sont, à bien des égards, meilleurs que ceux dirigés par des directeurs généraux issus d’autres horizons professionnels. Penser au statut de directeur général d’un hôpital comme objectif professionnel lointain est une réorientation professionnelle possible. Pour y parvenir, il faut disposer d’une solide formation en management et d’une expérience dans les différents domaines de la santé publique que sont, par exemple, les assurances-maladie, les offices cantonaux de la santé publique, l’OFSP, les entreprises pharmaceutiques ou les développeurs de logiciels médicaux.

Une réorientation possible dès l’hôpital

Il est possible de commencer une réorientation prudente à l’hôpital, en s’éloignant du travail avec la patientèle et en privilégiant d’autres tâches. Dans le contrôle médical ou le codage, les médecins sont très recherchés (et payés en conséquence). On trouve d’autres idées de parcours professionnels dans les CV des différents médecins qui ont déjà suivi cette voie et qui dirigent aujourd’hui ou ont dirigé des hôpitaux en Suisse. Pour celles et ceux qui souhaitent tenter l’aventure dans un monde professionnel encore plus éloigné du médical, les sociétés de conseil internationales offrent des perspectives, les capacités de réflexion et d’analyse médicales étant très recherchées chez McKinsey, Boston Consulting Group BCG et consorts.
La formation médicale nous qualifie en premier lieu pour une activité de qualité au contact de la patientèle. Si, à un moment donné, la proximité avec les patients ne nous convient plus, de nombreuses autres possibilités d’utiliser nos connaissances et notre savoir-faire s’offrent à nous. Les études présentent rarement ces choix, il faut donc les rechercher soi-même. Cette quête peut déboucher sur des alternatives gratifiantes mettant le savoir-faire médical à profit, même loin du travail avec les patients.
Dr méd. Jürg Unger L'initiateur de «Coach my Career» est souvent décrit comme un pédopsychiatre atypique. Sa devise: «Actions speak louder than words.» Il intervient régulièrement dans cette rubrique sur les questions de carrière.
1 James K. Stoller, Amanda Goodall, Agnes Baker, «Why The Best Hospitals Are Managed by Doctors», Harvard Business Review, le 27 décembre 2016.