Un Prix Nobel atypique, humaniste, engagé, pratique
Le 4 octobre 2017, le Prix Nobel de chimie était attribué au biophysicien Jacques Dubochet (1942), de l’Université de Lausanne, ainsi qu’à deux collègues anglo-saxons, pour ses travaux dans le domaine de la cryomicroscopie électronique. Ses découvertes ont permis l’observation de matériel biologique à l’état natif. Cela implique de geler très rapidement, dans un bain d’éthane liquide, les échantillons à analyser afin de les figer dans leur état naturel, évitant une cristallisation en glace. Selon une de ses doctorantes: «L‘apport scientifique est immense pour comprendre la structure moléculaire des cellules; cela a permis de voir très finement des virus en trois dimensions.»
Devenu mondialement connu en une matinée, Jacques Dubochet a attiré l’attention par sa personnalité: d’un abord tout simple, avec un franc-parler plein d’humour («en quelque sorte, j’ai inventé l’eau froide», dit-il dans une conférence de presse impromptue). Un observateur: «Son CV hébergé sur le site de l’Université de Lausanne vaut son pesant d’éthane liquide». Il dit être le «premier dyslexique officiel du canton de Vaud» – soutenu pour accéder à l’enseignement secondaire. Habitant de longue date de Morges, il est membre (PS) du législatif communal, et ses amis politiques relèvent qu’il a été leur homme-sandwich dans les rues de la ville lors de campagnes électorales… S’est attiré des froncements de sourcil en disant «L’altruisme est quelque chose de moral chez l’être humain, mais en biologie c’est une façon de fonctionner. Les fourmis ouvrières sont altruistes parce qu’elles travaillent pour la reine. L’altruisme est vital pour notre bien commun, ce n’est pas une valeur morale, c’est une notion d’intelligence: la gauche, c’est l’intelligence et la droite c’est l’égoïsme»! (1). On se réjouit de connaître son argument plus en détail.
A la retraite, il est engagé dans Connaissance 3, l’université vaudoise du 3e âge – «Il m’a toujours frappé par sa préoccupation du plus grand nombre», dit la secrétaire générale. Ainsi que dans des mouvements à visée écologique, y compris l’association «Grands-parents pour le climat»; il était avec son épouse à la COP 21 de Paris à fin 2015. «Le changement climatique actuel est un évènement de taille comparable à la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années. Le gens ne réfléchissent pas de manière scientifique et n’arrivent pas à tirer les conséquences de la réalité.» [1]
Le premier sentiment qui lui est venu à l’esprit, au moment de la nouvelle arrivée de Stockholm, est la reconnaissance – à ses équipes, notamment celle du Laboratoire européen de biologie moléculaire de Heidelberg, où il a travaillé de 1978 à 1987. Et puis aussi le soulagement! «Cela fait des années que, dans les congrès, tout le monde me demande: ‹Alors, le Nobel, c’est pour quand?›» Commentaire sur l’évolution de la scène académique et scientifique: «Contrairement à ce qu‘on exige des chercheurs aujourd’hui, je n’ai jamais eu besoin de courir après les publications. J’ai également eu le privilège, notamment grâce à l’Université de Lausanne, de ne pas avoir à passer mon temps à chercher des financements. J’ai eu la chance de profiter de conditions de travail exceptionnelles.» [2]
A noter enfin, Dubochet a introduit dans son enseignement universitaire, comme il l’a fait dans sa vie d’homme et de citoyen, des composantes de philosophie et d’éthique, parce que «avec la connaissance vient aussi une grande responsabilité».
Références
1 24 heures, Lausanne, 6 octobre 2017, p. 17–19
2 Le Temps Lausanne, 7 octobre 2017, p. 6–7, interview par Fabien Goubet.
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